Inexistant

C'était en hiver, en tout début d'après midi. Pour je ne sais quelle raison, j'avais terriblement sommeil, le méga coup de barre à assommer un éléphant.

J'étais donc complètement effondré sur mon bureau, à moitié endormi, voire même peut-être endormi. Brutalement la porte s'est ouverte avec fracas. Ca m'a tiré de ma léthargie de hérisson en hibernation. J'ai levé des yeux aux paupières de plomb, et j'ai fais un effort colossal pour essayer de comprendre ce qui se passait.
C'est là que je t'ai vue, et surtout entendue.
Avant même que j'ai eu le temps de décider si j'étais suffisamment réveillé pour choisir entre le fait que c'était bien toi qui t'encadrais dans l'entrée ou le fait que je révais de toi t'encadrant dans l'entrée, j'ai eu droit à ton cinglant « Mais, il n'y a personne ici ?! ».

Allons bon...
Au cas où je n'aurais pas encore compris qu'elle a décidé de me hacher menu-menu, voilà qu'il faut maintenant que je comprenne que je n'existe pas, que je suis transparent, invisible, que je ne mérite même pas qu'elle me voit, que je suis pour elle à ce point insignifiant que même juste en face d'elle il me faudrait croire que je n'y suis pas.

Là elle en fait vraiment trop, elle abuse, elle y croit pas elle-même, c'est exagéré, c'est bien trouvé, je dois reconnaître, tout à fait dans ce style piquant que j'affectionne chez elle, mais qu'est ce que j'ai sommeil, c'est pas le moment, j'ai sommeil, je devrais me rebiffer et la traiter comme du poisson pourri mais bon sang qu'est ce que j'ai sommeil, faut que je dorme un peu, il faut absolument que je dorme, allez, je me rendors, qu'elle aille voir ailleurs si je n'y suis pas.

Quelque temps après, j'ai franchement eu envie de me venger. Ah ainsi donc je suis invisible ?
Pouf... Des courbes me sont revenues en mémoire, un dessin de quelques traits, avec presque rien de dessiné, sauf que même si c'est presque pas un dessin on voit tout de suite tout ce qui n'est pas représenté, et on reconnait immédiatement qui c'est.
Idée diabolique : puisque je suis invisible, hé bien je vais te montrer que toi tu ne l'es pas, et que je te vois, que je te vois bien, et même peut-être mieux que d'autres, et tu vas voir ce que tu vas voir, et tout le monde vas le voir aussi, ça t'apprendras à me chatouiller...

J'ai donc pris une craie et j'ai tracé sur le tableau tes courbes impossibles. Echelle 1. J'ai été surpris de la facilité avec laquelle j'ai tout tracé, il ne ma fallu que quelques retouches pour obtenir tes proportions idéales. Une fois terminé, il n'y avait pas besoin de sous-titrer, on voyait bien de qui il s'agissait et il y a eu un petit défilé, comme au musée, pour voir ma joconde allongée.

On était l'année du BAC, et j'étais persuadé qu'une fois ton diplôme en poche, tu disparaîtrais pour moi purement et simplement, comme si tu n'avais jamais existé.