Soleil Noir

C'était pendant un cours d'anglais avec Miss Canon (à mon goût), cours que j'ai eu du mal à suivre. J'ai passé toute l'heure à contempler les miroitement d'une soyeuse fontaine de caramel et de chocolat. Je crois que la Miss s'en est même aperçue mais qu'elle a été suffisamment indulgente pour me laisser divaguer.

Plus prosaïquement, je m'étais débrouillé pour être derrière toi. Tu avais un pull noir, c'est ce qui a fondamentalement déclenché le phénomène.
Il faisait un temps superbe, grand ciel bleu, et un éclatant rai de soleil passait par la fenêtre, t'illuminant le dos.
Le pull noir... Il maintenait à l'écart toutes les couleurs parasites, ce qui faisait librement éclater tous les tons de brun et de blond de tes cheveux.
Ils coulaient et roulaient, vers le haut, le bas, à droite, à gauche, en avant, en arrière, dans tous les sens. Ca brillait, ça chatoyait, ça explosait de partout.

A un moment, saoulé de lumière, j'ai reculé, cligné des yeux et regardé au plafond pour essayer de me détacher de ce feu d'artifice hypnotique. Cette tentative de retour sur terre fut un échec patent.
Dans mon mouvement, tout naturellement, j'ai tendu les jambes. Sauf que tu avais les tiennes repliées et donc, étant devant moi, poum, je t'ai fait du pied. Aïe... Pas touche minouche ! Je vais me faire incendier...
Le poum inopiné a provoqué chez toi une grande inspiration, que j'ai prise pour de l'exaspération. Tu as soudainement relevé la tête, redressé les épaules et reculé vers le dossier de ta chaise. Résultat ?

Le trou noir qui menaçait de m'absorber corps et âme est devenu gigantesque, je ne voyais plus que lui, qui crachait ses délicieuses étincelles, achevant de m'engloutir.
Ta copine s'est retournée et m'a regardé d'un drôle d'air [Alors sylvain, on drague ?] ce qui a achevé de me plonger au fin fond de mon puit de confusion... J'en suis sorti par la suite en décidant d'avoir la prétention de croire que ce que j'avais pris pour un signe d'exaspération pouvait fort bien en fait être la manifestation d'une surprise amusée [Ah le petit chenapan, il ose encore !]

Euh... ben non, comme tu l'auras compris, je ne l'avais pas fait exprès du tout.
En fait il m'aura fallu plus de vingt ans pour oser seulement te le raconter...