Midnight tortillard
Au bout d'un certain temps, ponctué de chutes de plus en plus espacées, la nuit commence à tomber et Emile Leray doit rapidement songer à installer un camp car sa moto n'est pas équipée d'un phare qui lui permettrait de rouler de nuit. Même si cela était, il est bien trop épuisé pour songer à autre chose qu'à goûter un repos bien mérité.
L'ampoule et le fil électrique, branchés sur la batterie, servent à faire une petite veilleuse pour signaler sa présence. On a beau être en plein désert, il n'est pas rare en fait d'installer, surtout de nuit, son campement au beau milieu d'une piste oubliée depuis des décennies, sauf par le conducteur du gros camion qui vous a arraché, sans même vous entrevoir, la toile de tente en passant à vive allure justement cette nuit là.
Ce ne sera pas un gros camion qui va réveiller Emile Leray à trois heures du matin mais un militaire, accompagné de deux subordonnés. L'homme est visiblement fort mécontent de trouver quelqu'un dans une zone théoriquement interdite mais il est encore plus mécontent quand il reconnait en Emile Leray le touriste qui avait fait demi tour en refusant de prendre à son bord un permissionnaire.
Emile Leray explique donc qu'il s'est "perdu", qu'il a eu un accident et qu'il a construit une moto à partir de sa 2CV. Visiblement interloqué par l'engin, mais soupçonneux quant à la réalité du fait qu'Emile Leray se soit perdu, le militaire le somme de le ramener sur le champ à l'épave de sa 2CV afin de vérifier la véracité de son histoire.
En pleine nuit, et malgré sa bonne volonté, Emile Leray est incapable de retrouver sa 2CV, ni même de reconnaître son chemin. Au bout d'une heure, conscients que continuer à chercher dans l'obscurité serait s'entêter inutilement, les militaires ramènent Emile Leray à sa tente et l'assignent à résidence pour le reste de la nuit avec un garde armé en faction devant la tente !
La nuit est courte puisqu'il est réveillé dès six heures du matin et sommé de reprendre les recherches illico-presto.
Avec la lumière du jour, cela ne pose pas de difficulté majeure et l'épave de la 2CV est localisée. Immédiatement, les militaires deviennent plus affables. Ce n'est pas tant d'avoir pu vérifier ce que leur disait Emile Leray mais bien plutôt la perspective de savoir qu'ils pourront revenir ultérieurement tout récupérer afin de se faire un peu d'argent de poche.
De retour au campement, il est ordonné à Emile Leray de se remettre en route sur son engin en direction de Tan-Tan. Afin de s'assurer qu'il ne va pas, comme la dernière fois, se "perdre", les militaires décident de le suivre.
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Les militaires en réfèrent aux gendarmes pour "présence insolite" et ceux-çi, visiblement, ne croient pas un mot des explications d'Emile Leray qui tente de leur expliquer que douze jours de mécanique 2CV en plein désert étaient pour lui une forme de villégiature.
L'affaire étant décidément trop compliquée, les gendarmes en réfèrent aux autorités supérieures (le gouverneur) et arrivent à la conclusion que c'est aux douanes de Tan-Tan plage, distant de 25 km, qu'il convient de tirer cette affaire au clair.
Dans un premier temps les douaniers constatent les faits, inspectent, avec incrédulité, la moto puis décident qu'il n'y a pas lieu pour eux de s'embêter outre mesure. Il convoquent Emile Leray pour le lendemain afin de lui faire signer tous les formulaires qui, selon eux, lui permettront de quitter le territoire Marocain sans encombre, à condition qu'il n'envisage pas de partir en emportant son engin classé "dangereux" par les douaniers. Emile Leray n'ayant pas trop le choix, il acquiesce à contre-coeur et se résout à devoir se défaire de sa machine pour pouvoir rentrer en France.
En attendant le lendemain, la moto est remisée dans la fourrière des douanes.
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