Fin (temporaire)

Les déserts Africains, Emile Leray les connaît bien puisqu'il en a déjà sillonné les pistes à plusieurs reprises, seul ou en petits convois, à bord de diverses Peugeot et autres Renault destinées à finir leur vie sur place à la fin du voyage.

Mais en 1993, son projet est un Raid Maroc en solitaire, de Tan-Tan à Zagora. Pour ces 600 km de désert en solo, la vitesse importe peu. Le critère principal est la fiabilité mécanique, la légèreté et une faible consommation. Emile Leray choisit donc naturellement une 2CV4.

Fort de son expérience de l'Afrique, l'équipement comprend le strict nécessaire : une boîte à outils "Africaine" (scie à métaux, lames, marteau, burin, limes, clés plates, à oeil, à pipes à cliquet, fil de fer, gros ruban adhésif etc...) plusieurs roues de secours (qui peuvent servir de chandelles), un gonfleur et un lot de divers tubes, barres, tiges, cornières, indispensables pour servir de levier, renfort, outil etc... si l'occasion s'en fait sentir (ce qui est toujours le cas en Afrique à un moment ou à un autre !)

Des volets métalliques pliants serviront de plaques de désensablage.
Deux bidons de 20L constituent la réserve de carburant.
Pour l'eau, deux autres bidons feront l'affaire ainsi que du thé et de la menthe.
Pour la nourriture, une réserve de dattes et d'oranges sera suffisante.

Ainsi paré, Emile Leray atteint sans encombres sa première étape, Telimzoun.

Au poste de contrôle, les formalités tournent court : on lui ordonne sans ménagement d'abandonner son projet et de faire demi-tour sur le champ. Du fait d'un réveil du conflit, toujours latent en cette région, entre les Sahraouis et les autorités Marocaines, Telimzoun et la zone au-delà sont purement et simplement interdits d'accès.
Pour les militaires, la question est entendue. D'ailleurs, puisque cette 2CV va faire demi-tour et qu'il y a une place de libre à l'avant, on lui demande de bien vouloir servir de taxi à un permissionnaire !

Habituellement, dans le désert, et même quand cela n'est pas demandé par un militaire, on ne refuse pas de prendre à son bord une personne. Le milieu étant déjà par lui-même suffisamment hostile, refuser serait faire montre d'une impolitesse et d'un égoïsme des plus méprisables.
Emile Leray le sait. Mais il sait aussi que bon nombre d'Européens néophytes, peu au courant des us et coutumes en pareil endroit, refusent. Il sait aussi que le désert est grand et qu'en faisant une boucle suffisamment large autour de Telimzoun il pourra poursuivre son raid comme prévu, en dépit de l'interdiction des autorités. Au pire, s'il est repéré, il pourra de toute façon toujours invoquer s'être perdu !

Jouant au touriste vexé qui se croit toujours en Europe, il refuse donc de prendre le permissionnaire et fait immédiatement demi-tour en direction de Tan-Tan, sous le regard plein de réprobation silencieuse des militaires.

Au bout d'environ cinq kilomètres, Emile Leray braque à droite et part en hors piste. Dans l'éventualité d'avoir été suivi aux jumelles, ou d'avoir été suivi tout court, Emile Leray met le pied au plancher afin de s'éloigner au plus vite. Un peu trop vite, hélas.

La boucle n'est pas encore bouclée qu'après une succession de bosses et de creux pas spécialement hauts ou profonds mais particulièrement traîtres, la 2CV oscille dangereusement sur ses suspensions, bondi soudainement plus haut qu'elle ne le devrait... et retombe lourdement sur une petite pointe rocheuse dans un grand fracas de métal supplicié !

Le choc a été aussi inattendu que violent. Les dégâts sont très importants : châssis cassé et un bras de roue avant plié. La 2CV est définitivement hors service.

Le soir arrivant à grands pas, Emile Leray n'a pas grand chose à faire d'autre qu'à se préparer à dormir sur place en compagnie de son épave.

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