L'accès escarpé aux grottes de Carlsbad nous permet de tester la patience des autochtones. Un bouchon s'allonge inexorablement derrière notre Deux Pattes époumonant son carburateur à fond de première. Sur le parking des grottes, un des autochtones du bouchon, pas rancunier du tout, gratifie Sylvain d'un respectueux:

Hello sir, what is that gorgeous car ?
(Bonjour monsieur, quelle est donc cette splendide automobile ?).

Plus loin, l'ascension de Lincoln Forest est irréelle. Malgré la montée, la 2CV accélère inexplicablement et file ses 70 km/h toute guillerette au milieu des arbres séculaires de cette forêt plantée sur les flancs d'une montagne posée en plein désert comme un pâté de sable sur un bord de plage. Au sommet, la vue sur le paysage en contrebas est saisissante : le sable blanc du désert de White Sands sous la lumière tamisée d'un ciel gorgé de nuages noirs.

L'arrivée à White Sands est l'occasion d'expérimenter deux phénomènes rares. Trois minutes après notre installation au motel, un intense crépitement nous fait sortir pour voir, avec effroi, des grêlons gros comme des petits pois rebondir sur la 2CV, heureusement sans dommages. De la grêle en plein désert ?! Encore trois minutes après, en allumant la télévision pour noter épisode quotidien de "Star Trek, next generation", nous constatons interloqués que nos montres affichent... une heure d'avance !?

Notre Vaisseau Amiral nous aurait-il fait traverser quelque mystérieuse porte dimensionnelle dans Lincoln Forest, accélérant notre espace-temps et perturbant localement les phénomènes météorologiques ?

En fait de quatrième dimension, un examen attentif des cartes par Bruno montre que, si la ville de Roswell n'est pas très éloignée, nous avons, plus prosaïquement, tout simplement franchi... un fuseau horaire un jour d'orage !

En panne, premier épisode

La première véritable "aventure" survient, curieusement, sur un bête parking de Taos, sympathique pueblo en terres Indiennes. Village par ailleurs si joli qu'après un petit Crac Boum Huuuu... notre boîte de vitesse décide d'y finir ses jours.

Toi petite boîte qui est maintenant au ciel, sache que nous te remercions de ne pas nous avoir abandonnés parmi les quelques plantigrades débonnaires signalés par des panneaux tels que "Beware of Bears", alors que, à peine deux heures avant, nous grimpions, péniblement, les 3278 mètres des contreforts de la Sierra Sangre de Cristo. Le chemin de croix aurait bien pu se transformer en véritable calvaire.

Quoi qu'il en soit, après la peur rétrospective et afin de poursuivre notre route, il faut remplacer la boîte défectueuse. Dieu merci, il existe à Taos un garage, Metric Motors le bien nommé, outillé pour réparer les voitures Européennes. Un fan Américain de la 2CV nous communique, mais oui, mais oui, le téléphone d'un fournisseur potentiel pour une boîte modèle 62 d'occasion (probablement la dernière disponible sur le continent Américain) habitant à peine 350 kilomètres au Nord de Taos. La chance est avec nous (si l'on peut dire...)

Le garage de Taos équipé pour réparer les voitures européennes.

En attendant que la boite de vitesse soit changée, nous en profitons pour visiter Taos. Heureusement, c'est une petite ville et elle est très touristique. Il y a même un restaurant Français, La Cigale "bistrot de Paris", aux tarifs... américains ! Nous nous contentons de tester tous les fast-food.
Arrive enfin l'après midi où nous pouvons reprendre le volant de la 2CV. Nous reprendrons la route après demain matin, mais ce soir, pour fêter la réparation, nous décidons de casser notre tirelire (déjà fendue par la réparation imprévue) et d'aller dîner au restaurant français afin de nous remonter le moral. Nous y allons bien entendu en 2CV. Quelques minutes après avoir passé commande, le chef débarque à notre table, alerté par un client arrivé après nous et qui a demandé quelle était donc cette étrange voiture française garée sur son parking.

Le restaurant français de Taos "La Cigale"

A la sortie, ce sera un américain qui nous accostera, ou plus exactement le chauffeur d'un américain qui souhaite nous parler, si nous voulons bien attendre que son patron ait fini de dîner à La Cigale. Il nous propose de nous faire patienter dans la looongue limousine climatisée de son patron, un industriel de la pharmacie, où nous jouons avec les réglages de la climatisation et à passer en revue les diverses chaines de la télé, confortablement installés dans d'immenses sièges en cuir. Ce n'est pas tout à fait la même chose qu'une 2CV ! Finalement, le chauffeur nous informe que "Mr Derek Walkin nous attend". Nous retrouvons l'industriel francophile auprès de notre 2CV. Il possède, nous assure-t-il, plusieurs voitures françaises dans sa collection : DS, Traction , Panhard et une 2CV Charleston. C'est sans doute vrai car il est très intrigué par les nombreux petits détails qui diffèrent entre notre 2CV et la sienne, plus particulièrement le moteur qui lui semble "really very different". Et pour cause : d'après ce qu'il nous décrit, sa 2CV est peut-être des années 60, comme la notre, mais manifestement elle a été entièrement reconstruite avec des pièces modernes. Ce sont les portières "suicide" de notre 2CV qui l'amusent le plus. Nous lui faisons faire un petit tour et le ramenons à sa limousine, ravi.

C'est donc le coeur joyeux que nous repartons quelques jours après et savourons encore pour quelques centaines de miles cet Ouest mythique.

Pause pour le plein au milieu de nulle part

En panne, deuxième épisode

Plus au Nord, nous visitons National Arches Monument.

Une Arche naturelle parmi les nombreuses qui jalonnent le parc d'Arch National Monument

Après la visite de ces paysages minéraux étonnants, tandis que notre Jolly Jumper national file un train d'enfer (85 km/h...) sur l'Interstate 70 en direction de Green River, notre moteur, lui aussi, décide de finir ses jours aux Etats-Unis. Un hurlement métallique hystérique nous laisse juste le temps de nous ranger sur le coté. Après trente ans de bons et loyaux services, le vaillant Flat-Twin exhale un plaintif râlement de crécelle enrouée pendant quelques tours puis s'arrête net sur un sonore "CHLONK" sans appel. Ce nouveau Crac Boum Huuuu... , définitif, nous cloue sur place.

Serais-ce la fin de l'histoire?

Non, non, sois rassuré cher lecteur : le récit se poursuit... pour quelques lignes encore, bien que le moteur soit mort et la 2CV hors service pour un bon moment.

Un couple de Français qui passait par là en voiture de location climatisée et cruise-controlée nous prend en stop et nous dépose à Green River.

Nous faisons remorquer la 2CV jusque sur le parking de notre Motel.

En ce lieu isolé dépourvu de distributeurs de billets, moral au plus bas, nous passons différents coups de fil à plusieurs Citroënistes. Le bouche à oreille ayant fait son oeuvre un appel nous rassure au matin du troisième jour. Il émane d'un collectionneur manifestement très intéressé par une aussi belle voiture où il faut juste changer le moteur.

Mécanicien expérimenté habitant Salt Lake City, à peine 250 km au nord, il vient rapidement discuter de l'affaire au volant de son ID Break.

C'est ainsi que, après 4500 km, notre fier destrier termine sa chevauchée remorqué par une ID Break voguant vers sa nouvelle demeure dans la cité du grand lac salé.

Green-River, fin du voyage pour notre brave 2CV.

Pour écluser les quelques jours qui nous restent, nous louons un 4x4 afin d'aller visiter la ville fantôme de Virginia City

Virginia City

et les Geysers brûlants du fameux parc de Yellowstone

Yellowstone National Park : le geyser Old Faithfull (le vieux fidèle)
Eruption toutes les 45 minutes.

avant de rentrer en France via New-York.

La Statue de la Libertée sous un angle de vue inhabituel